Dans la Maison, vous allez perdre vos repères, votre nom et votre vie d’avant. Dans la Maison, vous vous ferez des amis, vous vous ferez des ennemis. Dans la Maison, vous mènerez des combats, vous perdrez des guerres. Dans la Maison, vous connaîtrez l’amour, vous connaîtrez la peur, vous découvrirez des endroits dont vous ne soupçonniez pas l’existence, et même quand vous serez seul, ça ne sera jamais vraiment le cas. Dans la Maison, aucun mur ne peut vous arrêter, le temps ne s’écoule pas toujours comme il le devrait, et la Loi y est impitoyable. Dans la Maison, vous atteindrez vos dix-huit ans transformé à jamais et effrayé à l’idée de devoir la quitter.
La maison, cet édifice perdu au milieu des terrains vagues et des barres d’immeubles, avec ses trois étages et sa peinture blanche qui a viré au gris sale, est une sorte de pensionnat pour les enfants différents : déglingués et cabossés en tous genres, qu’ils soient en fauteuils roulants ou qu’ils rampent, la Maison est ce qui les réunit. Elle devient leur monde. La présence des adultes –:professeurs, éducateurs et parents:– y est discrète voire indésirable, et leur monde à eux, l’Extérieur, un endroit sans contours précis, et craint.
Tous les sept ans, les enfants les plus âgés devront rejoindre cet Extérieur, non sans appréhension. Mais en attendant, la Maison est leur foyer, leur terrain de jeu et leur champ de bataille. Entre ses murs, chaque pensionnaire se voit attribuer un nouveau nom et assigné à un groupe. Les enfants créent alors leurs propres lois, les transgressent, structurent ou déstructurent le temps, inventent et transmettent leurs propres traditions et coutumes, fabriquent des légendes, décident de leurs mythes fondateurs, et entre temps, mangent, boivent et fument dans leurs dortoirs plus ou moins crasseux. La Maison est ce microcosme aussi codifié que fantasmagorique, entre passage obligé et moment éternellement suspendu.
Ensorcelante évocation de l’adolescence, La Maison dans laquelle est un chant d’amour à cet âge ingrat et bienheureux, à ses exaltations et ses tragédies, au sentiment de frustration et de toute-puissance qui le traverse. Mariam Petrosyan a réussi à créer un univers bariolé, vivant et réaliste, pétri de cette nostalgie et de cet émerveillement que nous avons tous au fond de nous et qui fait que, parfois, nous refusons de grandir et d’affronter la brutalité du monde qu’on appelle la réalité.
Traduit du russe par Raphaëlle Pache. Préface de Tristan Garcia. Format 13×19 cm. 1088 pages.