Rilla, ma Rilla

Pour Rilla, dernière-née d’Anne Shirley et Gilbert Blythe, pas question d’études comme ses frères et sœurs, la vie ne devrait être qu’un ­délicieux tourbillon de robes et de premiers baisers.

Malheureusement pour ses aspirations, la Grande Guerre va jeter un voile sombre sur Glen St. Mary:: départ des fils et des frères, nouvelles angoissantes, amours empêchées…

Rilla devra faire face à des responsabilités aussi ­désagréables que nécessaires. Avec Rilla, ma Rilla, Lucy Maud ­Montgomery clôt de la plus belle des façons une série merveilleuse:: en tissant un roman comme un sortilège pour conjurer la noirceur du monde.

Passé le choc initial de l’annonce de l’entrée du Canada dans le conflit, les femmes d’Ingleside vont rapidement reprendre leurs esprits et participer comme elles le peuvent à l’effort de guerre.

Mademoiselle Cornelia et Anne vont s’empresser de créer un Comité de la Croix-Rouge, et cette dernière va encourager Rilla à en faire de même pour les jeunes.

Sans oublier Susan, qui continue son travail de gouvernante sans jamais fléchir, tout en faisant régulièrement parvenir ses délicieux gâteaux aux garçons qui sont partis.

Elle est présente chez les garçons Blythe et Meredith, qui vivent l’enfer sur le front mais s’attachent à ne jamais le faire ressentir dans leurs lettres, qui contiennent toujours un message d’espoir ou une anecdote amusante.

Et elle concerne aussi les femmes d’Ingleside, qui laissent partir leurs fils, leurs frères ou leurs protégés, craignent le pire chaque jour, mais se sont fait une promesse tacite, celle de ne pas se laisser aller et de continuer à vivre, car de la vie il faut bien tenir compte.

Au début du roman, Rilla, la dernière née des Blythe, est une jeune fille d’à peine quinze ans qui ne souhaite qu’une chose : profiter de la vie. Elle aime les belles toilettes, adore l’idée d’avoir un (ou même plusieurs) prétendants, et est impatiente de croquer l’existence à pleines dents.

Avec la guerre, ses aspirations s’envolent, et elle se trouve précipitée dans le rôle d’une femme qui va devoir apprendre à se montrer responsable, dévouée et maîtresse d’elle-même, réservant ses crises de larmes à la Vallée arc-en-ciel ou l’intimité de sa chambre.

Le contexte de la guerre n’empêche pas Lucy Maud Montgomery de faire naître la lumière, comme toujours, et l’humour apparaît ainsi entre les lignes, nous rappelant que quelles que soient les épreuves, l’espoir est toujours possible.

Ici, il est presque tout entier incarné dans le personnage de Susan, la gouvernante au caractère bien trempé ; dans ses coups d’éclat, sa façon de rabrouer les pessimistes ou les hommes politiques, ou de refuser une demande en mariage… C’est l’éternelle optimiste, le pilier d’Ingleside.

« L’écriture a toujours été ma raison d’être.:» Lucy Maud Montgomery [1874-1942] fait partie de ces auteurs qui, en un seul livre, ont conquis des millions de lecteurs. Mais ce succès cache un destin plus sombre. Une mère emportée très tôt par la tuberculose et un père qui part fonder une nouvelle famille abandonnant la petite Lucy Maud à passer son enfance avec des grands-parents peu aimants à Cavendish, sur l’Île-du-Prince-Édouard. Autrice canadienne la plus lue au monde grâce à Anne de Green Gables, elle a irrigué son œuvre immense – plus d’une vingtaine de romans, 500 nouvelles et autant de poèmes –:d’une énergie créatrice exceptionnelle qui continue d’inspirer des générations d’artistes et d’écrivains. À l’instar de son personnage, Anne Shirley, devenue une icône mythique de la culture canadienne, la vie de Lucy Maud Montgomery aura oscillé entre rêves les plus fous et «:désespoir le plus profond:».